Survol sur la première année de projet (mars 2023 à février 2024)

Cette première année de projet a été riche et mouvementée. Les avancées au niveau organisationnel, notamment grâce au bon fonctionnement et au succès du Système Participatif de Garantie (SPG), sont une des grandes réussites de La Tulpa. Beaucoup d’activités liées à cet axe ont été réalisées lors de cette première année et ont permis de renforcer les fondements de l’association. Les liens entre les familles paysannes se sont renforcés, grâce à la mise en place de mécanismes démocratiques internes. La participation active des familles paysannes membres aux décisions et aux propositions stratégiques de La Tulpa est aujourd’hui une réalité. Le SPG a permis de renforcer les dynamiques associatives et de favoriser les échanges entre producteur.ices. Il est aussi un moyen de fixer des objectifs, sert de ligne de conduite pour élaborer des stratégies au niveau productif et propose des outils qui permettent de réaliser un suivi des réussites et des difficultés rencontrées. C’est également un outil commercial et de sensibilisation des consommateurs sans égal. Durant cette année, le SPG est devenu la colonne vertébrale de La Tulpa et sera dorénavant mise en œuvre de manière autonome par les producteur.ices.

Au niveau productif, La Tulpa a dû composer avec les variations climatiques extrêmes liées au changement climatique et notamment à la sécheresse. Malgré ce paramètre, les fermes de La Tulpa continuent de produire et sont tous les jours un peu plus assurées dans leurs pratiques, grâces aux formations et aux visites d’autres expériences. Alors que dans les débuts de l’association, la production se basait sur la production d’intrants à base de sels minéraux, les familles paysannes sont maintenant plus que jamais convaincues que la construction et la récupération des sols est une priorité. Alors que les logiques plus conventionnelles, même en cultures biologiques, voudraient que la fertilisation soit pensée comme la nutrition de la plante, les paysan.nes de La Tulpa vont plus loin et s’intéressent davantage à nourrir la vie du sol afin de créer de bonnes conditions pédologiques pour les plantes. Ils et elles remarquent ainsi plus de résilience face aux épisodes de sécheresse ou de pluie, moins de problèmes phytosanitaires, mais surtout, ils et elles se sentent plus en accord avec leurs pratiques. La formation continue et l’expérimentation ont vraiment joué un rôle central dans ce cheminement vers l’agroécologie et nous nous réjouissons d’observer et de continuer à soutenir cette belle aventure.

L’axe commercial de La Tulpa a toujours été un de plus gros défis pour l’association. Les habitudes de consommation à la ville de Pasto, le manque de sensibilisation à l’écologie et la souveraineté alimentaire et le contexte social, économique et politique ont été un frein au développement commercial souhaité. Cette première année n’a pas été facile sur ce plan. En effet, les propriétaires de la maison où se situait le magasin ont résilié le bail afin de loger des membres de leur famille. La recherche du nouveau local a pris beaucoup de temps et d’énergie à l’équipe de ventes et n’a pas été facile en raison de l’augmentation des prix de location dû à l’inflation. Les charges dans le nouveau local sont également plus élevées, le local est plus petit et les clients ont tardé à revenir à La Tulpa après le déménagement.

Malgré ces conditions difficiles, l’équipe commerciale et de vente a fourni des efforts considérables pour attirer de nouveaux clients et conserver les anciens et les résultats sont de ce fait moins négatifs que prévu. Ces deux prochaines années seront décisives pour l’avenir financier de La Tulpa. Des décisions importantes et des nouvelles stratégies sont mises en place dès le début 2024 et, même s’il est trop tôt pour voir des résultats, nous espérons qu’ils porteront des fruits : démarchages dans les zones résidentielles, organisation de portes ouvertes pour attirer les gens du nouveau quartier, publicité ciblée auprès de cercles professionnels identifiés comme potentiellement intéressés (professeurs, personnel soignant, fonctionnaire, …)

Afin d’augmenter les ventes et de permettre à plus de personnes d’acheter en magasin, les horaires ont été étendus de 3 jours à 4 d’ouverture. Le magasin ouvre dorénavant les lundi, mardi, vendredi et samedi et une productrice a été engagée par La Tulpa pour soutenir l’équipe des ventes le jour supplémentaire d’ouverture. L’association assume ainsi de plus en plus de frais et de responsabilités d’elle-même et cela malgré les difficultés financières.

Un autre espace de vente a été trouvé grâce à la collaboration avec le cuisinier John Herrera, qui soutient la démarche de La Tulpa depuis sa création. Désormais, un stand est installé dans son restaurant tous les vendredis et même si sa fréquentation n’est pour l’instant pas très élevée, un travail de promotion et de visibilité est en cours afin d’attirer une nouvelle clientèle dans ce lieu.

Les espaces de vente dans les foires sont aussi l’occasion de trouver des nouveaux clients et d’augmenter les ventes de produits, même si ce ne sont pas des espaces permanents pour un marché.
En raison de ces difficultés, La Tulpa est face à des défis commerciaux importants et ne peut pour l’instant pas assumer le pourcentage de charges prévues dans le cadre de ce projet. Cependant, il ne s’agit que de la première année de projet et nous sommes confiants que cette situation évoluera positivement durant les deux prochaines années.

En promouvant les activités productives des femmes membres de La Tulpa, nous avons vu à quel point leur engagement et organisation est un moteur pour La Tulpa, mais également pour leur émancipation. Leur donner un espace pour développer leurs projets de manière autonome, leur permet d’avoir une plus grande indépendance financière, mais surtout d’exploiter la force collective qui les unit et de s’émanciper en tant que collectif. En travaillant ensemble, elles échangent, apprennent les unes des autres et peuvent développer des activités propres. Depuis que ces deux groupes de femmes (transformation des produits et productrices d’œufs et de viande de poules bio) se sont constitués et organisés au sein de La Tulpa, leur participation aux réunions a augmenté et leur implication associative est devenue essentielle pour le fonctionnement de La Tulpa.

Les femmes chargées de la transformation de produits n’ont pas non plus vécu une année facile. Les exigences de l’INVIMA en matière d’adaptation des espaces de transformation et de tests de laboratoires ne sont pas adaptés aux réalités des petites productions artisanales. Ces règles sont faites pour des usines de transformation industrielles et imposent même des recettes qui font baisser la qualité des produits transformés. Ceci a eu comme conséquence la décision de fermer la maison de transformation et de réajuster les stratégies du groupe de transformation d’aliments. Malgré cela, ce groupe de femmes est un exemple et une source d’inspiration pour l’association paysanne. Elles ont su s’adapter aux aléas et poursuivent leur travail à leur échelle. Nous espérons que malgré les difficultés financières et logistiques qu’elles doivent affronter, elles vont continuer à inspirer et à dynamiser La Tulpa, mais surtout qu’elles pourront y trouver des solutions pour faire de leur association et de leur famille un lieu d’égalité réelle et concrète. Dans cette attente, les produits seront vendus dans le magasin de La Tulpa et auprès d’entités similaires, qui sont d’accord de se passer d’un registre sanitaire.

Les éleveuses de poules sont également extrêmement bien organisées et ont pu faire preuve d’autonomie au cours de cette première année. La production d’œufs a augmenté et suffit actuellement à couvrir les besoins du magasin. Les essais de production de nourriture pour poules sont prometteurs et nous nous réjouissons de voir leur évolution et d’accompagner les femmes paysannes dans ce processus.

La relève générationnelle commence. Les efforts pour motiver les enfants et les jeunes ont joué un rôle important durant cette première année de projet. Les paysans membres de La Tulpa voient tous les jours les conséquences de l’exode rural, du manque de valorisation de leur métier, de la perte ou de la non-transmission de connaissances dans leurs régions. Certain.es des membres de La Tulpa sont actuellement âgé.es et aucun membre de leur famille ne désire reprendre leurs activités agricoles. Ceux qui au contraire sont plus jeunes et ont des enfants en bas âge, voient ce que l’avenir leur réserve de loin. Leurs enfants, petits-enfants et neveux, sont de plus en plus impliqués et encouragés à connaître ce travail, à le valoriser et à y trouver du plaisir. Grâce aux ateliers proposés durant cette année, un groupe de jeunes et d’enfants commencent à s’impliquer dans La Tulpa et montrent de l’attachement pour leurs origines et pour le travail paysan et associatif. La relève générationnelle est loin d’être garantie, mais certains indices laissent émerger l’espoir que les campagnes et les modes de vie paysans défendues au sein de La Tulpa ne disparaîtront pas.